Diagnostic clinique

Il est très difficile, car il n’existe pas de symptôme spécifique de la rage : « tout est rage, et rien n’est rage ». En région d’enzootie, la suspicion clinique entre en jeu face à un animal au comportement inhabituel (agressif, très abattu…) ou qui présente une gêne à la mastication et à la déglutition. Le seul élément clinique permettant de s’orienter vers un diagnostic de rage est l’évolution rapidement mortelle de la maladie, en moins de 15 jours.
Lors de suspicion clinique, il conviendra donc d’être extrêmement prudent pour l’examen clinique, et surtout de maintenir l’animal en vie pour pouvoir suivre l’évolution de la maladie dans son entier : sachant qu’il n’existe pas de diagnostic expérimental du vivant de l’animal, le meilleur moyen diagnostique consiste à observer son état de santé au cours des 15 jours suivant la morsure ou l’apparition de signes cliniques suspects. Si au-delà de ces 15 jours l’animal est en pleine forme, il n’était ni excréteur ni malade. Bien sûr, s’il s’agit d’un animal sauvage ou dangereux, il est préférable d’effectuer un diagnostic expérimental après l’avoir immédiatement abattu.

Diagnostic épidémiologique

Les éléments épidémiologiques doivent obligatoirement être confrontés à la clinique. Il est important de savoir si l’animal vit en région d’enzootie rabique, s’il a séjourné en zone d’enzootie au cours des 12 derniers mois, s’il a pu avoir un contact avec un animal enragé, et enfin s’il est vacciné contre la rage, comment et depuis quand. On retiendra que les cas de rage sont généralement sporadiques, et apparaissent rarement de façon simultanée : en présence d’un cheptel entier présentant les mêmes signes cliniques suspects, on s’orientera plus facilement vers une autre maladie que si un seul animal est suspect.

Diagnostic différentiel

De nombreuses maladies engendrent des symptômes pouvant évoquer la rage. Sans entrer dans les détails, nous citerons :
– chez le chien : maladie de Carré, toxoplasmose, maladie d’Aujeszky, tétanos, corps étranger dans l’estomac ou l’intestin, devant être différenciés d’une rage furieuse ; maladie de Carré en fin d’évolution (avec parésie ou paralysie), paralysie ou luxation de la mâchoire inférieure, corps étranger dans la gorge, intoxication par le métaldéhyde, botulisme ou encore trauma médullaire, ne devant pas être confondus avec une rage paralytique.
– chez le chat : maladie d’Aujeszky, corps étranger, angine, intoxication par métaldéhyde ou par organo-chlorés…
– chez les bovins : fièvre vitulaire, tétanie d’herbage, corps étranger dans la gorge, listériose, intoxication par sels de plomb, paralysie du pharynx…
– chez le cheval : encéphalomyélites, coliques, tétanos…
– chez les ovins et les caprins : listériose…
– chez le porc : maladie d’Aujeszky, maladie de Talfan, maladie de Teschen, peste porcine classique sous forme nerveuse…

Diagnostic expérimental

Prélèvements

Les analyses de laboratoire portent sur la corne d’Ammon, le cervelet, le bulbe et le cortex : il est donc possible d’envoyer le cadavre entier pour des animaux de petite taille, ou plus simplement la tête entière, voire l’encéphale. Il est important d’avoir des commémoratifs détaillés et que les prélèvements soient expédiés sous protection du froid.

Principales techniques utilisées en France : l’immunofluorescence et l’inoculation aux cultures cellulaires

L’immunofluorescence directe présente l’avantage d’être rapide, peu onéreuse et très fiable (moins de 2% de réactions faussement négatives à l’AFSSA Nancy). Elle se pratique sur des calques de corne d’Ammon, qu’on soumet à l’action d’un conjugué fluorescent antinucléocapside du virus rabique. Au microscope à fluorescence, on repère les amas d’antigène du virus rabique, sous la forme de points plus ou moins gros, colorés en vert brillant sur fond noir, avec un liseré plus lumineux.

L’inoculation aux cultures cellulaires de neuroblastomes a remplacé l’inoculation aux souris. La réponse est plus rapide, mais la difficulté réside dans l’entretien de la lignée cellulaire, qui s’avère délicat.
Ces deux techniques, bien que très fiables, ne permettent pas, individuellement, de conclure à l’absence de rage : en France, on met donc toujours en œuvre les deux techniques pour un diagnostic de rage.

Autres techniques

Ces techniques étaient employées en France antérieurement, et le sont encore dans certains pays ; ce sont :
– la coloration de Sellers : cette technique, très rapide, nécessite un encéphale bien frais. Elle consiste à appliquer le colorant de Sellers sur un calque de corne d’Ammon encore humide, ce qui fait apparaître les corps de Négri en rouge violacé au microscope.

– le test immunoenzymatique : on ajoute au matériel suspect (ex : corne d’Ammon) un sérum antirabique marqué par une enzyme, la peroxydase, puis on révèle la réaction antigène-anticorps par addition du substrat de l’enzyme. La réaction est lisible au spectrophotomètre, voire à l’œil nu.

– l’histopathologie : cette technique présente moins d’intérêt que les autres, car elle nécessite des prélèvements en excellent état de conservation, et présente un délai relativement long (une semaine) pour l’obtention des résultats. Après coloration de coupes d’encéphales, on recherche les corps de Négri au microscope. Mais ces corps de Négri peuvent manquer si la conservation du prélèvement n’est pas optimale ou si l’animal a été sacrifié, ou on peut les confondre avec d’autres inclusions existant chez des animaux sains ou atteints d’autres virus.

– l’inoculation aux souris : cette technique est très fiable, mais coûte très cher, et sa réponse est très lente : on inocule par voie intra-cérébrale le prélèvement broyé à des souris de 3 à 4 semaines, qu’on observe ensuite pendant au moins 28 jours. Pour essayer d’obtenir des résultats plus rapides, on peut sacrifier deux souris aux jours 6, 12 et 18, et rechercher la présence d’antigène rabique sur un calque de leur cerveau par immunofluorescence.

– la sérologie (séroneutralisation, immunofluorescence indirecte, ELISA…): la sérologie est peu utilisée dans un but diagnostique, mais permet de contrôler l’immunité post-vaccinale ou de réaliser des études épidémiologiques. Les anticorps monoclonaux sont également utiles pour déterminer le type de virus en cause lors de cas de rage erratiques.

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