Prophylaxie sanitaire

Elle concerne principalement l’espèce responsable de la rage en France, le renard, mais aussi les animaux domestiques. Elle est étroitement liée aux notions d’épidémiologie décrites précédemment, et va être différente selon que l’on se trouve en pays indemne ou infecté.

Prophylaxie sanitaire en pays indemne :

– Rage des animaux sauvages : le principe est de réduire très fortement la population de l’espèce animale vectrice dans une zone assez large le long de la frontière avec un pays infecté. Mais ces mesures à elles seules ne sont pas suffisantes pour protéger un pays indemne.

– Rage canine : il faut empêcher l’importation d’un animal en incubation de rage, soit en interdisant purement et simplement l’importation (ex : Australie, Nouvelle-Zélande), soit en instaurant une quarantaine prolongée (ex : en Grande-Bretagne pour les chiens et les chats provenant de pays où la rage est enzootique), soit en exigeant un certificat sanitaire attestant que l’animal est en bonne santé et provient d’un pays indemne de rage. Concernant les animaux provenant de pays infectés appartenant à la C.E.E., la France exige à la fois un certificat sanitaire et une attestation de vaccination, et pour les animaux issus de pays tiers infectés, ces deux papiers accompagnés d’un titrage d’anticorps. En Grande-Bretagne, l’introduction d’un animal en provenance d’un pays indemne de rage nécessite un certificat sanitaire, une attestation de vaccination et un titrage d’anticorps.

Prophylaxie sanitaire en pays infecté :

– Rage des animaux sauvages terrestres : nous prendrons ici l’exemple de la rage vulpine, sur laquelle porte toute notre étude. L’épidémiologie a montré le rôle prépondérant joué par le renard en Europe et notamment en France, et la façon dont la densité conditionne en grande partie l’incidence de la maladie : le principe fondamental de prophylaxie sanitaire vise donc à réduire la population vulpine en dessous du seuil de densité permettant la transmission du virus rabique. C’est la première méthode de lutte qui a été retenue en France, par l’emploi de diverses techniques (piégeage, gazage, tir, toxiques…) que nous détaillerons plus loin.

Nous verrons que si l’on obtient un résultat indéniablement favorable, cette méthode comporte des limites : pour se rapprocher d’une densité de population « idéale », il faudrait éliminer au moins 75% des renards, ce qui d’une part est très onéreux, et d’autre part difficile, puisque les populations se reconstituent très vite et s’adaptent à des milieux très variés. Cette réduction de la population des renards nécessiterait donc des actions soutenues et prolongées dans le temps. Ces méthodes présentent aussi l’inconvénient d’avoir souvent une faible spécificité, voire d’être dangereuses pour l’homme, et ont suscité un rejet important de la part des écologistes. On a donc tenté de limiter les populations par des méthodes plus écologiques (contrôle des décharges et des ordures, sources alimentaires importantes pour le renard…), avant de se tourner vers la vaccination des renards.

Dans le cadre de la prophylaxie sanitaire de la rage vulpine, il est important d’informer le public sur les zones d’enzootie, la maladie, les précautions à prendre, la conduite à tenir vis-à-vis des animaux sauvages ou d’une morsure…
Enfin, la prophylaxie passe par le contrôle des animaux domestiques, pour éviter leur contamination par le virus vulpin : il est recommandé de capturer et de détruire les animaux errants, de contrôler la circulation des chiens et des chats (chiens en laisse, éventuellement muselés), et d’empêcher l’importation d’animaux domestiques provenant de zones d’enzootie de rage vulpine. Différentes mesures ont également été mises en place en France : tout animal enragé ou contaminé doit être sacrifié (avec une exception pour un animal contaminé mais en état d’immunité rabique au moment de la morsure, dont on pourra contrôler les déplacements et auquel on fera un rappel de vaccination), et tout animal suspect de rage ou mordeur mis en observation.

– Rage canine et rage des vampires: on ne détaillera pas ici la prophylaxie sanitaire de la rage canine, pour laquelle on prendra le même type de mesures que celles prises pour les animaux domestiques lors de rage vulpine. Concernant la rage des vampires, on retiendra en plus des méthodes classiques le recours aux anticoagulants (diphénadione, chlorophacinone).

Prophylaxie médicale

Les vaccins

On distingue de nombreux types de vaccins, qu’on peut classer selon leur caractère vivant ou inactivé :
– vaccins à virus inactivé : ils sont dépourvus de virulence résiduelle, sont plus stables, mais ont un pouvoir immunogène plus limité s’ils ne contiennent pas d’adjuvant. Pour les animaux domestiques en France, on n’emploie plus que des vaccins à base de virus rabique produit en culture cellulaire, puis inactivé, adjuvé ou non.
– vaccins à virus vivant : ils possèdent une virulence résiduelle qui peut s’avérer dangereuse, mais en contrepartie possèdent un bon pouvoir immunogène malgré un titre viral beaucoup plus faible que celui des vaccins à virus inactivés. Ils sont par contre plus fragiles à la chaleur. On peut citer des vaccins destinés aux animaux domestiques dans certains pays, tels que le vaccin H.E.P. pour le chien, les bovins et le chat, qui présente une virulence résiduelle très importante, ou les vaccins Flury L.E.P. pour le chien de plus de 3 mois, qui ont également une virulence résiduelle importante, même si elle est moins élevée que pour le vaccin H.E.P. : ces vaccins sont strictement interdits en France, car trop dangereux. Les seuls vaccins à virus vivant autorisés en France sont les vaccins utilisés chez les animaux sauvages, qui sont des vaccins à virus vivant atténué ou des vaccins préparés par génie génétique : on peut citer, selon une virulence résiduelle décroissante, le vaccin S.A.D.B19, le vaccin S.A.G.2 et le vaccin recombinant vaccine-rage élaboré par génie génétique, utilisés pour la vaccination orale des renards.

On peut aussi classer les vaccins selon leur mode de production :
– vaccins produits sur encéphales d’animaux adultes (ex : vaccin de type Fermi ou Semple): ils ne sont plus utilisés dans la plupart des pays, car ils contiennent des facteurs encéphalitogènes et risquent d’avoir un pouvoir immunogène limité.
– vaccins produits sur encéphales d’animaux nouveau-nés : ils ont un bon pouvoir immunogène, et contiennent peu ou pas de facteurs encéphalitogènes.
– vaccins produits sur culture cellulaire (ex : vaccins utilisés en France pour les animaux domestiques): ils ont un bon pouvoir immunogène et ne renferment pas de facteurs encéphalitogènes.
– vaccins produits par génie génétique (ex : vaccin recombinant vaccine-rage): ils sont dépourvus de toute virulence rabique résiduelle, mais leur innocuité doit encore être évaluée concernant le micro-organisme porteur.

Tous les vaccins antirabiques doivent être contrôlés ; pour les vaccins à virus vivant, il suffit de vérifier le titre viral, mais pour les vaccins à virus inactivé, on utilise soit un contrôle direct consistant à mesurer le pouvoir protecteur chez la souris (test N.I.H. ou test de la Pharmacopée Européenne), soit un contrôle indirect au cours duquel on mesure le titre en anticorps dans l’espèce cible (recherche d’une conversion sérologique après vaccination).
Vaccination des animaux domestiques
En France, on emploie uniquement des vaccins à virus inactivé. Devaient être vaccinés, jusqu’en août 2002, tous les animaux sensibles à la rage, âgés de plus de 3 mois et non immunodéprimés, vivant en région d’enzootie ou en région menacée, ainsi que ceux devant voyager en zone d’enzootie. A présent, l’obligation de vaccination ne concerne plus en France que les animaux devant voyager en zone d’enzootie et revenir ensuite sur le territoire français, les animaux qui voyagent en Grande-Bretagne, ceux qui séjournent en camping, et enfin les chiens de première et deuxième catégories.
Pour les carnivores domestiques, la primo-vaccination se fait en une seule injection pour les vaccins adjuvés, en deux injections à 15 à 30 jours d’intervalle pour les vaccins non adjuvés. Le premier rappel se fait un an après la primo-vaccination.
Pour les herbivores, la primo-vaccination se fait généralement en une seule injection, avec un rappel au bout d’un an.
La vaccination des animaux domestiques peut poser différents problèmes :
– élimination salivaire de virus rabique par des animaux vaccinés, puis contaminés et exprimant une rage clinique mortelle : il est possible de retrouver du virus dans la salive de tels animaux.
– élimination salivaire de virus rabique par des animaux vaccinés, puis contaminés mais demeurant cliniquement normaux : le risque d’excrétion salivaire est très faible, mais semble exister.
– conduite à tenir devant un animal vacciné, puis contaminé : un tel animal peut, de façon exceptionnelle, développer la rage, en cas de rupture de l’immunité ; pour éviter de courir ce risque, on peut sacrifier l’animal, ou effectuer une injection de rappel le plus tôt possible et surveiller l’animal au cours des mois suivants.
– conduite à tenir devant un animal contaminé, non vacciné : il ne faut en aucun cas commencer une vaccination après la contamination.
– efficacité de la vaccination antirabique des animaux domestiques au plan d’un pays : elle ne change rien à la progression de l’enzootie de rage vulpine, mais diminue fortement l’incidence de la rage vulpine chez les animaux domestiques, et contribue donc à protéger l’homme.
– choix de la nature du vaccin : on préfèrera un vaccin élaboré en culture cellulaire. Concernant le choix entre virus vivant et virus inactivé, on prendra en compte la situation épidémiologique, le coût des deux types de vaccins, l’innocuité, la bonne stabilité et le bon pouvoir immunogène des vaccins à virus inactivé, adjuvés, et le bon pouvoir immunogène des vaccins à virus vivants, lorsqu’ils sont bien conservés.
Vaccination des animaux sauvages
La vaccination du renard par voie orale en France a été couronnée de succès, puisqu’elle a permis l’éradication de la rage vulpine. Elle a été pratiquée jusqu’à la fin de l’année 2002 dans les zones frontalières menacées, grâce au vaccin recombinant vaccine-rage et à la souche SAG2.
Législation sanitaire
La rage est une MLRC chez toutes les espèces animales. La législation sanitaire se rapportant à cette zoonose est très complexe, et nous ne traiterons ici que de la législation qui concerne de près la rage vulpine, à savoir la lutte contre le renard, la lutte contre la divagation des animaux domestiques, ainsi que la conduite à tenir vis-à-vis des animaux enragés, suspects, mordeurs, contaminés ou éventuellement contaminés :
Contrôle des populations de renards et vaccination :
Le contrôle des populations est réglementé dans le cadre de la législation sur les animaux « nuisibles » (articles 393 et 394 du Code Rural et articles l 122-19 et L 131-2 du Code des Communes), et dans le cadre de la lutte contre la rage (articles 232-6 et 232-7 du Code Rural, décret du 27/06/96). Il est également interdit de transporter ou de lâcher des carnivores sauvages capturés ou détenus dans un département officiellement déclaré infecté de rage.
La France a rejoint la Suisse et l’Allemagne en 1985 en mettant en place la vaccination des renards par voie orale, mais la réglementation sur cette vaccination n’est apparue que récemment, par le décret du 27/06/96 :
« Le ministre chargé de l’agriculture fait procéder, s’il l’estime nécessaire, à la vaccination antirabique des animaux sauvages appartenant aux espèces considérées comme vectrices de la rage, ainsi qu’au suivi de cette vaccination.
Les maires arrêtent les dispositions complémentaires que les circonstances locales rendent nécessaires. Ils informent en particulier les habitants, par tous les moyens qu’ils jugent appropriés, des conditions dans lesquelles se dérouleront les opérations de gestion et de contrôle. Ils veillent à la destination des cadavres des animaux détruits dans le respect de l’arrêté préfectoral prévu au deuxième alinéa de l’article 15 du présent décret.
Les collectivités territoriales concernées peuvent participer financièrement à la vaccination antirabique des animaux vecteurs de la rage. Les sommes allouées sont versées au Trésor public pour être rattachées par voie de fonds de concours au budget du ministère chargé de l’agriculture. »
La note de service du 28/08/90 rappelle l’attitude à avoir vis-à-vis des personnes et des animaux domestiques ayant été en contact accidentel avec des appâts vaccinaux : les animaux domestiques ne courant aucun risque de contracter la rage par ce biais, il est inutile de les mettre en observation, ni de procéder à un rappel de vaccination. Par contre, les appâts contenant les virus SAG sont potentiellement dangereux pour l’homme : toutes les personnes étant amenées à les manipuler doivent donc être correctement vaccinées, et en cas de contact accidentel avec un tel appât, la personne concernée doit recevoir immédiatement une injection de rappel de vaccin si elle était déjà vaccinée, ou un traitement antirabique « post-exposition » si elle n’avait jamais été vaccinée contre la rage.
Lutte contre les chiens et les chats errants :
Les maires ont pour tâche d’empêcher la divagation des chiens et des chats errants, et peuvent pour cela prendre toute mesure, y compris l’obligation de tenir les chiens en laisse et de les museler. Les animaux errants sont conduits à la fourrière, où leur sort dépend du statut du département : en département indemne, et donc actuellement sur tout le territoire français, les animaux identifiés ou non sont gardés durant 8 jours ouvrés, et peuvent être restitués à leur propriétaire pendant ce délai, ou sont ensuite cédés à un refuge. Lorsque la France n’était pas encore indemne de rage, les animaux non identifiés, en département infecté, étaient euthanasiés dès leur arrivée à la fourrière, et les autres ne pouvaient être restitués à leur propriétaire durant le délai de garde de 8 jours ouvrés que s’ils étaient vaccinés contre la rage. Si le propriétaire n’avait pas récupéré son animal au bout de 8 jours, celui-ci était euthanasié.
L’identification par tatouage ou par radiofréquence est obligatoire avant tout transfert de propriété de chiens ou de chats, pour tous les animaux de plus de 4 mois nés après le 6 janvier 1999.
Conduite à tenir vis-à-vis des animaux enragés, suspects, mordeurs, contaminés ou éventuellement contaminés :
Animal enragé : déclaration à la Direction des Services Vétérinaires, abattage sans délai, prélèvements en vue d’une confirmation par le diagnostic expérimental, arrêté de déclaration d’infection (si confirmation de la rage), déclaration de zone atteinte de rage, recherche d’autres animaux contaminés.
Animal suspect clinique de rage : mise en observation pendant le temps nécessaire pour confirmer ou infirmer la suspicion.
Animal mordeur : mise sous surveillance pendant 15 jours pour les animaux domestiques, ou 30 jours pour les animaux sauvages (3 visites).
Animal suspect de rage (symptômes) et ayant mordu une personne : mise en observation pendant le temps nécessaire pour confirmer ou infirmer la suspicion ; en cas de mort, diagnostic expérimental, sinon poursuivre la surveillance jusqu’au 15ème (animaux domestiques) ou 30ème jour (animaux sauvages) après la morsure.
Cas particulier des animaux sauvages : abattage immédiat.
Animaux contaminés : abattage obligatoire, sauf si le propriétaire peut présenter un certificat de vaccination antirabique en cours de validité, et si l’animal reçoit en plus une injection de rappel dans les 5 jours suivant le contact avec l’animal qui l’a contaminé ; dans ce cas, le propriétaire souhaitant conserver son animal doit en faire la demande écrite à la DSV et l’animal est mis sous surveillance durant 3 mois. Consommation des herbivores et des porcins autorisée si l’abattage a lieu entre 48 heures et 8 jours après la contamination, sous réserve d’appartenir à un effectif dans lequel la rage n’a pas été mise en évidence depuis au moins 6 mois.

Animaux éventuellement contaminés : soumission aux mêmes mesures de surveillance que l’animal suspect de rage à l’origine de l’éventuelle contamination, si ce dernier y est lui-même soumis, ou à des mesures appropriées déterminées par le directeur des Services vétérinaires, si l’animal suspect de rage à l’origine de l’éventuelle contamination est inconnu ou en fuite.

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